En mars, avril et mai 2020, quand mon activité de conférencier s’était réduite en raison du confinement, je suis allé travailler bénévolement dans le service Covid d’un hôpital.
Intervention(s)
Aucun
Biographie
Médecin urgentiste, Philippe Rodet est un humaniste convaincu.
De 1988 à 1993, il participe à des missions humanitaires au Burkina-Faso (en brousse), en Roumanie (lors des troubles post Ceausescu) et en Bosnie Herzégovine (Sarajevo pendant la guerre).
Passionné par l’interaction entre le stress et la motivation depuis plus de vingt ans, il publie en 1998, L’ardeur nouvelle aux Editions Debresse.
En 2006, il créé le Cercle Stress Info à l’origine du blog ( www.stresss-info.org) et publie l’année suivante Le stress : nouvelles voies aux Editions de Fallois.
En 2008, il participe à la création de la Commission nationale sur le stress de l’Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines. Cette même année, il crée un cabinet de conseil, Bien-être & Entreprise, qui travaille sur la motivation, clé de la réussite, de la cohésion, de la créativité et du bien-être.
En 2009, il devient membre du Cercle des Experts de l’Humain et participe à la Commission sur les risques psychosociaux auprès du Ministre du Travail.
A partir de 2010, il va publier aux éditions Eyrolles 8 livres : « Se libérer du stress : un médecin urgentiste raconte » « Se protéger du stress et réussir : sept leviers de motivation« , « Le bonheur sans ordonnance« , « Le management bienveillant » en collaboration avec Yves Desjacques, « Aurélien, c’est papa, je t’aime » avec comme sous-titre « Et si la bienveillance sauvait des vies » « La bienveillance au travail », « Vous pouvez vivre mieux ! » et « La bienveillance, un remède à la crise » en 2021.
En 2010, il participe à la fondation de la Commission sur le « Plaisir au Travail » du Centre des Jeunes Dirigeants. En 2012, il intègre l’APM (Association pour le Progrès du Management) en tant qu’expert.
Depuis 2016, il intervient à l’IAE Jean Monnet à Saint Etienne dans le cadre du Master 2 Commerce et Distribution, orientation management bienveillant.
En septembre 2020, il intègre le Comité scientifique de la revue People at work.
Pourquoi acceptez-vous de participer à un sommet sur la bienveillance ?
La bienveillance est souvent mal connue, parfois caricaturée.
Tout ce qui peut contribuer à aider à mieux cerner ce concept est important.
Elle est parfaitement adaptée au contexte actuel et il est essentiel d’expliquer pourquoi.
Quel acte de bienveillance aimeriez-vous partager ?
Alors médecin urgentiste, je devais intervenir près de Prague pour rapatrier un enfant de treize ans, victime d’un grave accident au niveau de d’une jambe.
Cet enfant vivait dans un foyer français où il avait été placé car aucun membre de sa famille ne pouvait s’occuper de lui. C’est ce même foyer qui avait organisé ce périple en République Tchèque. La veille, alors qu’il faisait une promenade dans une voiture à cheval, il a fait une chute et la roue de la voiture a roulé sur sa jambe, provoquant de multiples fractures.
Arrivé à l’hôpital, je me rends à son chevet et lui explique comment est organisé son retour : un trajet en ambulance jusqu’à Prague puis, en avion entre Prague et Paris et de nouveau en ambulance, entre Paris et la ville la plus proche de son lieu de vie habituel.
J’examine ensuite sa jambe blessée et l’interroge sur son niveau de douleur. « Si je ne bouge pas, je n’ai pas trop mal mais, au moindre mouvement, c’est horrible ». Les radios montrent l’étendue des lésions. J’imagine alors les difficultés du retour, une partie du trajet empruntant des routes en mauvais état. Je lui administre des médicaments contre la douleur et lui explique qu’il va falloir l’installer sur un matelas spécifique en vue de le transporter dans les meilleures conditions possibles. L’effet des médicaments commence à se manifester ce qui permet de le passer sur le matelas de transfert. La douleur redevient aussitôt très vive. Devant le niveau de douleur, j’envisage de renforcer le traitement. Nous l’installons ensuite dans l’ambulance mais, au bout de quelques kilomètres, la douleur est de nouveau très intense. Espérant détourner un peu son attention du seul phénomène douloureux, je prends le parti de lui parler un peu. Il me raconte alors son enfance meurtrie, son foyer dans lequel il se plaît et où le personnel est attentionné, ses amis… Il parait un tout petit peu mieux. Au bout de quelques kilomètres, il me demande si je suis marié, si j’ai des enfants. Je lui explique alors que je suis marié et que j’ai une fille, plus jeune que lui. Il réfléchit et me dit : « elle en a de la chance votre fille… ». Je lui parle de nouveau de lui lorsqu’il m’interrompt et me demande s’il peut me tenir la main. Je lui tends ma main droite, il la prend dans sa main gauche, une main frêle et froide. Au bout de quelques minutes, je sens que sa main se détend légèrement. Je le regarde, il dort.. Nous ferons cinquante kilomètres, main dans la main. Arrivé à l’aéroport de Prague, il s’éveille et nous l’installons dans l’avion.. Durant le vol, notre échange reprendra là où il s’était interrompu. Il me parle de sa vie, de ses peurs, de ses espoirs. Il souffre beaucoup moins et semble plus serein. L’équipage d’Air France est adorable. Arrivé à Paris, il faut le transférer à l’ambulance qui l’évacuera vers le CHU. Une nouvelle équipe médicale, animée par mille attentions, prend en charge l’enfant. Lorsque je le salue avant de le quitter, il me regarde et ne peut retenir ses larmes. Il faut dire qu’il s’était beaucoup confié, comme on peut le faire avec une personne dont on sait qu’on ne la reverra sans doute jamais. Alors que je m’apprêtais à repartir, il m’interpelle, « Monsieur, vous savez, contre la douleur, le mieux, c’est la main de l’autre ». De grosses larmes coulent le long de ses joues et je suis très ému lorsque je lui dis qu’il devrait faire de la médecine plus tard…